"En définitive, la valeur de l’envoi semble avoir nécessité la création d’un parcours codé qui exorcisera tout risque d’hésitation et de doute.
Le respect de la codification et des interdits, doit totalement rassurer.
S’il est suivi “à la lettre”, le parcours rituel et rythmé permet d’agir d’une manière machinale, automatique, naturelle. L’envoi peut “aller de soi”. La construction de Monique Voiret a permis la mise en place de ce miroir: elle renvoie à l’usager l’image de son geste, en 24 images.
Décomposition chirurgicale d’un mouvement en instantanés. Syncopé, le geste conclusif et irréversible de la danse de l’envoi est proposé comme un kaléïdoscope qui provoquera l’éblouissement.
Dans le même temps, cette situation hypnotique va faciliter la transgression de l’interdit, induite par la tentation de manipuler les portes restées ouvertes sur 23 des boîtes aux lettres.
Les visiteurs de cette exposition sont ces usagers, pris sur le vif au moment de l’envoi, moment de vigilance pour chacun.
En effet, tout se passe comme si l’échange se situait à ce niveau; comme si, pour “être en mesure” d’espérer une excellente réception du courrier, il fallait se mettre soi-même dans un état de parfaite réceptivité. C’est ce qui distingue radicalement cette opération artistique d’une simple intervention urbaine que le public balaie du regard. Dans notre cas, nous disposons d’un spectateur vulnérable.
Dès lors, l’intervention d’artistes sur les boîtes aux lettres, ne cherche pas le dérangement du regard mais sa concentration sur un moyen de communication silencieux. Les lettres sont des mots sans parole et des visuels sans regard.
On pourrait dire que la lettre est un média écologique, sans pollution sonore ni visuelle, et qu’en ce sens, comparée aux autres moyens de communication, c’est presque un média minimal..."
Sylvie Boulanger (extrait de “pour un geste expéditif”, catalogue de l’exposition urbaine “Facteur d’Art” à Paris) - 1989.